Juin 2016 : Article du magazine « 100% Vosges »

Une affiche de Germinal, un crucifix à l’envers et des affiches contre la construction de la centrale de Cattenom. A côté de la guitare, Léo le chat miaule. La boule de poil porte « un collierrouge, habituellement ». Là, « il a le modèle vert-écolo ». Dans la salle de répétition de Téachel, Thierry Lalevée, le décor est planté, d’emblée. Le musicien, soixante années à son actif, est un anti-conformiste assumé. Il se dit anarcho-poétique et joue de son personnage provocateur, « même s’il est un peu calmé maintenant ».
Vétu de noir, de la tête aux pieds, seuls ses yeux enfantins, couleur bleu océan, font contraste. Son histoire commence simplement : « J’ai toujours été attiré par la chanson ». Le Vosgien originaire de Moussey est un autodidacte. Il se souvient avoir passé son enfance à « courir les bois ». Petit, il improvise des mises en scènes, et imite Chaban-Delmas devant ses copains. La maladie de la scène le regagne plus tard. A seize ans, il achète sa première guitare. A dix-huit, il en joue à l’armée « un comble pour un anti-militariste comme moi ». A vingt ans, c’est la révélation, « un pote me dit qu’il a acheté le dernier album de Bernard Lavilliers ». Ce mélange de samba, de rock, avec ces textes d’ouvriers, va changer sa vie. Quelques année plus tard, ce sera Léo Ferré, un père spirituel qui apprend à Thierry l’importance des mots. Le musicien commence à écrire et part à Paris, mais l’ambiance lui déplaît. L’amoureux des forêts revient vite dans les Vosges, attaché « viscéralement » à la ruralité. S’en suit une période de marginalité. « C’était la fin du mouvement hippie. J’ai rencontré ma femme. Il fallait que je me soucie de notre avenir concret. Nous avons eu notre fille ». La scène est de retour dans sa vie dès 1998. Téachel ne s’arrête plus de noircir les pages sur : Paris, son enfance, la Belgique, les bars, les gens, …

Les vraies bringues, les bistrots, la liberté …

Il se dit engagé et aborde ses thèmes : la « connerie humaine », « l’individualisme » ou la « destruction de la planète ». Sur son carnet, les idées s’accumulent, en vrac. « En général quand je commence à écrire, j’ai une petite ritournelle dans la tête ». Il chante la rudesse de l’école de l’époque et la « démocratie du comptoir, celle où les classes et les différences disparaissent ». Il se souvient des « vraies bringues dans les supers bistrots » et « de la liberté ». Il cite les arabesques de givre qui se dessinaient sur les vitres d’antan, formant des fleurs, les « carreaux marguerite ». Il se passionne pour le langage halieutique, lui, « terrien des bois », attiré par la mer de Bretagne.
A soixante ans, il sort son premier album, une tranche de vie. De la chanson réaliste, comme celle des années 1930. Thierry, devenu Téachel, pour ses initiales, fait des clins d’œil à Ferré, Brassens et Brel dans ses textes, et défend la langue française. Il s’applique à expliquer l’origine de ses chansons, réel exutoire et moyen d’expression, à son public. Il dévore l’actualité, « au point que ça devienne pathologique ». Envisageant déjà les albums à venir, il se définit comme un adolescent éternel, un compositeur amateur. Provocateur et joueur, le voilà « de retour à la marginalité », ayant mis tout de même « la soupape », mais il persiste et signe : « J’en ai gardé sous la pédale ».

Article de Audrey Fisné, extrait du magazine 100% Vosges – Juin 2016