À la terrasse où je m’attarde en sirotant des verres
J’attends la mer qui tarde en griffonnant des vers
Bien sûr, elle reviendra dans quelques bières
Si je suis encore là à contempler la grève
Je perçois comme promis le va et vient des lames
Au loin, leur déferlis berce mon vague à l’âme
En écoutant la houle, j’éructe car je pense
À tous ceux qui dérouillent et s’enfuient dans l’urgence
Embarquer vers ailleurs
Pour ces migrants mineurs
Sur un bateau pourri
Un là-bas interdit
Un avenir meilleur
Le risque de mourir aussi
La mer, elle te couillonne
Si tu es imprudent
Et vite t’emprisonne
Insidieuse, elle te prend
Happé par le courant
Dans la ria d’Etel
La marée te surprend
Et t’emmène avec elle
Voie d’air dans la voilure, le ciel bleu s’ennuage
À quelques encablures, la brume gomme le phare
Car avec la renverse, la météo se fâche
Et fait place à l’averse, alors le temps se gâte
J’aime l’Armor à mort, la gifle de l’air marin
Les mystères de la côte, battue par les embruns
Le goût de l’iode et du sel, le cri fort des courlis
Soudain, je pense à celle qui partage ma vie
S’abandonner ailleurs
Avec la femme que j’aime
Foutre le camp d’ici
Pour changer de milieu
Un là-bas plus amène
Mais pas forcément mieux
À Pors Blanc, l’eau paisible
Sans cesse en mouvement
Les sternes immobiles
Les casiers sur l’estran
Les pinces redoutables
Planquées sous le varech
Des fruits de mer à table
À Plounevez-Moêdec
Brouillard en ce matin, à peine une légère brise
Pas même un peu d’crachin mais la Manche se grise
Si la mer n’est pas grosse, elle accouchera d’un grain
Donnant au granit rose la couleur de l’airain
Demain, cap au Grand-Est, à l’orée des forêts
C’est l’endroit où je reste, homme des bois aux aguets
Mais partir fait du bien, rompre avec son décor
Découvrir le lointain et un autre dehors
S’en aller voir ailleurs
Sur une île, dans un port
Maritime fantaisie
Un là-bas bien meilleur
Un lieu qui fait envie
Au tout premier abord
Et le vent sans point d’orgue
Souffle dans ma guitare
Et fait vibrer mes cordes
Tendues comme des amarres
Le tintamarre des drisses
Tinte à mort dans les mâts
Et devenant complice
Prend des airs de bossa
Se retrouver ailleurs
Dans un là-bas bleu-vert
Empreint de poésie
Qu’un horrible tanker
Sur les récifs, se brise
Et le rêve s’enlise.
(Téachel – mai 2017/ nov 2020)